Mémoire du FCO dans le cadre de l'examen des instances statutaires de la Chambre d'assemblée, Terre-Neuve-et-Labrador
10 juillet 2023
À l'attention de l'honorable Robert Fowler
Examen des instances statutaires de la Chambre d'assemblée, Terre-Neuve-et-Labrador
Objet : Mémoire du Forum canadien des ombudsmans : Le bureau du représentant des citoyens
Monsieur Fowler,
Le Forum canadien des ombudsmans (FCO) est reconnaissant de l'occasion qui lui est offerte de contribuer à l'actuel processus d'examen du gouvernement concernant, entre autres, le Bureau du représentant des citoyens.
Le FCO promeut l'idéal selon lequel les entités gouvernementales et privées qui desservent le public doivent le faire de manière équitable, en s'appuyant sur des politiques équilibrées, des codes de conduite officiels et des lois pertinentes et applicables. Nos bureaux membres reçoivent des plaintes directement de la part de membres du public concernant leurs expériences avec les autorités gouvernementales ou les organisations privées et la manière dont elles les traitent.
Dans le cadre du programme de certificat de formation avancée du FCO proposé par l'Osgoode School of Law de l'Université de York, nous enseignons que l'objectif du travail de l'ombudsman est de trouver des solutions et de rétablir la confiance lorsque les utilisateurs ou les bénéficiaires des services de grandes institutions constatent des lacunes. Notre travail est ancré dans les réalités, les ressources et les capacités des institutions qui nous emploient - nous ne poursuivons pas un « idéal » de ce qui aurait pu se passer. Et nous tenons compte des attentes, des connaissances et des besoins des parties prenantes.
Dans le cas d'un médiateur législatif, lorsque nous faisons bien notre travail, nous parvenons à rétablir la confiance entre les citoyens et le gouvernement. Nous formulons des recommandations visant à améliorer le système pour l'avenir. Et nous le faisons à partir d'une position d'indépendance, de connaissance, de faits et d'écoute de toutes les parties.
Pour accomplir ce travail efficace et important dans la gouvernance de Terre-Neuve-et-Labrador, il est fondamental qu'une instance telle que le Bureau du représentant des citoyens dispose des ressources et de l’indépendance requises pour émettre des conclusions impartiales.
Le FCO connaît trop bien les tendances qui se dessinent dans notre pays, où nos membres travaillent dans des conditions parfois fragiles. Que ce soit par l'attrition des budgets ou par des attaques réelles contre le bureau par des représailles en coulisses, ou plus ouvertement en public et sur les médias sociaux (ou pire, fondées sur un positionnement idéologique ou partisan), ces conditions atrophient l'espace de médiation neutre qui est nécessaire pour que notre travail soit couronné de succès.
Dans tous les types d'organisations, il y a inévitablement des occasions où les citoyens se sentent lésés et ont l'impression d'avoir été traités injustement. L'expérience d'autres juridictions montre qu'il n'est parfois ni pratique, ni efficace, ni même possible d'obtenir réparation auprès des élus ou des tribunaux. Il doit y avoir une autre façon. Dans de nombreuses juridictions à travers le monde, dans de telles circonstances, les citoyens ont accès aux services d'un ombudsman.
À la différence d'un élu, d'une direction ou d'un membre de conseil d'administration, l’ombudsman est indépendant de l'administration. Il reçoit les plaintes directement des citoyens et agit généralement en dernier recours pour les plaignants qui ont déjà essayé de résoudre leur problème en recourant à d'autres voies et moyens établis. Ils disposent de l'indépendance nécessaire et ne se trouvent pas dans une relation de subordination par rapport à l'administration ou aux élus.
Les ombudsmans sont habilités à enquêter sur les plaintes et ont accès aux informations pertinentes. Il ne fait preuve d'aucun parti pris pour l'une ou l'autre des parties impliquées dans un dossier et n'a pas d'idées préconçues sur la question en litige. Ils n’ont pas à obtenir d'autorisation préalable avant d'intervenir. Ils sont libres de tirer leurs propres conclusions et disposent d'une pleine autonomie quant à leur mode de fonctionnement, etc. Ils ont le pouvoir d'entreprendre des enquêtes de leur propre initiative. Ils préservent le caractère confidentiel des informations portées à leur connaissance dans l'exercice de leur fonction. Plusieurs ombudsmans sont également exemptés de l'application des lois sur l'accès à l'information. Ils rendent compte de leurs activités et de leurs recommandations au public.
L’ombudsman est impartial et traite les plaignants et les autorités avec équité et respect. Il est guidé par les preuves, les précédents, un sens aigu de la justice administrative et la conviction que lorsque les institutions prennent des mesures correctives, elles en sortent renforcées dans les faits et dans la perception qu'en ont les personnes qui se sont senties lésées.
L’ombudsman met en lumière les situations qui doivent être corrigées. Ce faisant, il apporte la transparence là où elle fait défaut. Lorsqu'il réconcilie l'organisation avec les personnes qui se sont plaintes, l’ombudsman encourage la responsabilisation des autorités. Lorsqu'il résout une plainte à la satisfaction de tous, l'équilibre est rétabli entre le citoyen et l'organisation.
La Cour suprême elle-même a décrit avec éloquence le rôle de l’ombudsman dans les systèmes démocratiques de gouvernement :
« L’ombudsman représente la réponse de la société à ces problèmes d’abus possibles et de contrôle. Ses attributions uniques lui permettent d’aborder un bon nombre de préoccupations auxquelles ne touchent pas les mécanismes traditionnels de contrôle bureaucratique. Il est impartial. Ses services sont gratuits et accessibles à tous. Parce qu’il agit souvent de façon informelle, ses enquêtes ne nuisent pas aux activités normales du gouvernement. Ce qui importe davantage, ses pouvoirs d’enquête peuvent permettre d’étaler au grand jour des cas de mauvaise administration bureaucratique qui, autrement, passeraient inaperçus. L’ombudsman [TRADUCTION] «peut faire la lumière dans des coins sombres, même en dépit de ceux qui préféreraient tirer le rideau»: Re Ombudsman Act (1970), 72 W.W.R. 176 (C.S. Alb.), le juge en chef Milvain, aux pp. 192 et 193. D’autre part, il peut conclure que la plainte est non fondée, ce qui se produit souvent, et dans ce cas son rapport impartial et indépendant, dans lequel il exonère l’organisme public, peut fort bien servir à remonter le moral et à rétablir la confiance en soi des fonctionnaires visés.
Bref, les pouvoirs que possède l’ombudsman lui permettent d’aborder les problèmes administratifs que les pouvoirs judiciaire, législatif et exécutif ne peuvent résoudre efficacement. »
Notre rôle est de trouver la meilleure solution possible pour tous, de rétablir la confiance entre le citoyen et les institutions gouvernementales, et de différencier une iniquité de circonstances malheureuses.
Dans le cadre de votre examen, nous vous demandons respectueusement de prendre en considération la valeur d'un bureau d'ombudsman fort, essentiel et indépendant dans l'administration du gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador. Les avantages d'un tel bureau sont nombreux et impressionnants. Pour n'en citer que quelques-uns, ces bureaux contribuent à… :
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Rétablir la confiance des citoyens ou des utilisateurs de services.
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Rééquilibrer les pouvoirs entre les citoyens et la bureaucratie.
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Détecter et résoudre les problèmes systémiques
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Améliorer la qualité du service
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Encourager une plus grande transparence dans le fonctionnement des institutions
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Améliorer la gouvernance (procédures et politiques internes, etc.)
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Garantir l'équité dans les processus de prise de décision.
Pour tirer pleinement parti des avantages du Bureau, certaines caractéristiques essentielles doivent être en place:
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Le Bureau et son titulaire doivent être apolitiques;
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L'indépendance d'action doit être totale. Le Bureau ne peut pas être dans une relation de subordination à l'égard de responsables administratifs ou élus. Il doit disposer de pouvoirs d'investigation, de liberté et d'autonomie pour tirer des conclusions indépendantes et des ressources nécessaires pour le faire efficacement;
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Ils doivent être impartiaux, sans idées préconçues sur les questions en litige, et sans conflits d'intérêts réels ou perçus;
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Les services doivent être gratuits et accessibles aux citoyens ayant des besoins divers;
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La confidentialité totale et l'absence de représailles doivent être assurées, tant pour les plaignants que pour les employés qui partagent des informations avec le Bureau. L'accès aux dossiers et à l'espace physique doit être sauvegardé et protégé contre tout accès non autorisé;
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Le Bureau doit avoir le pouvoir de recommander et de convaincre, mais pas de décider. Les processus de médiation sont en fait des modes alternatifs de résolution des conflits qui interviennent généralement après que la direction faisant l'objet de l'enquête a eu la possibilité de répondre et de résoudre la plainte, mais avant que les citoyens ne soient tenus d'épuiser leurs recours légaux;
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Le Bureau détient généralement le pouvoir discrétionnaire de faire des commentaires publics, s'il estime que l'intérêt public le justifie.
Nous aimerions également attirer votre attention sur les 25 Principes de Venise qui représentent le premier ensemble de normes internationales indépendantes pour l'institution de l’Ombudsman. Ils sont l'équivalent des Principes de Paris qui définissent les normes sur lesquelles les institutions nationales des droits de l'homme sont jugées. Ils jouent un rôle clé dans la protection de Bureaux d’ombudsman qui sont menacés, fournissent des lignes directrices pour l'amélioration des bureaux actuels et établissent un modèle pour les nouveaux bureaux qui n'existent pas encore.
Les ombudsmans représentent un phare dans la nuit pour les citoyens. Le Bureau du représentant des citoyens agit comme un leader dans ce domaine et ne se contente pas d'appliquer les valeurs intrinsèques au rôle d'ombudsman, mais en fait la promotion auprès du plus grand nombre.
Il est normal que les critiques et les recommandations suscitent parfois un certain malaise chez les décideurs, les élus ou d'autres personnes. Mais les organisations ou les gouvernements responsables savent reconnaître, comme l'a écrit Leonard Cohen, « qu'il y a une fissure dans tout, c'est comme ça que la lumière entre » (traduction libre de « there is a crack in everything, that’s how the light gets in »). Au nom de mes 450 collègues ombudsmans du Canada, je vous remercie pour votre travail essentiel et pour l'attention que vous porterez à notre mémoire.
Je vous prie d'agréer, Monsieur le Président, l'expression de mes sentiments distingués.
Nadine Mailloux
Présidente
Forum canadien des ombudsmans